C’est une affaire de "noir" (bitumage) qui fait des étincelles. Ce vendredi, après un premier report d’audience, le tribunal administratif a examiné deux requêtes en référé précontractuel de la société Bernard Travaux Polynésie, composé de trois entreprises, et celle de Interoute. Les deux requérants contestent la manière dont a été attribué le marché public pour la réfection des routes en Polynésie à la société Boyer le 3 mars dernier. L’estimation de ce marché à bons de commande se chiffre à trois milliards de francs et s’étalera sur trois ans. Dans une salle de tribunal aux allures de scène de théâtre, les répliques, entrecoupées de piques, ont fusé.
Dans ce marché à bons de commande, l’attributaire du marché doit être capable de commencer les travaux au plus vite. Pour les sociétés requérantes, l’entreprise Boyer n’est pas en mesure de le faire, faute d’une centrale d’enrobage installée sur le territoire. "C’est le poissonnier qui veut se boulanger", a ironisé Maitre Mestre, avocat de JL Polynésie, filant la métaphore de sa consœur.
La défense était auparavant revenue sur la précédente attribution d’un marché de ce type à un groupement de société, alors composé des quatre sociétés aujourd’hui requérantes. "Le marché n’était pas caractérisé par une grande concurrence. Aujourd’hui, nous avons trois sociétés qui forment un groupement et une société qui n’en est pas membre, mais c’est tout comme."
Il a par ailleurs insisté sur l’expérience de son client dans des travaux de routes bétonnées "qui ont des similitudes avec des routes bitumées." Cet argument a suscité des mouvements de contestation et des rires étouffés dans la salle. Quant à la question de la centrale, la société Boyer a précisé dans son offre qu’elle l’aurait. "Nous ne l’avons pas encore, où est le problème?", a interrogé la défense avant ajouter que si l’appel d’offres exigeait d’avoir cette centrale, il y aurait là délit de favoritisme. "D’ailleurs, les routes ici sont en très mauvais état, ce n’est peut-être pas sans lien…", a-t-il glissé.
L’autre moyen des requérants dans ce référé est l’insuffisance des informations. Ils ont estimé ne pas avoir eu assez d’éléments concernant les conditions sur le travail de nuit. Les sociétés ont envoyé une question au ministère de l’Équipement restée sans réponse. "Il y une possibilité d’interrogation et la réponse est obligatoire", a précisé Maitre Mestre. Or, pour la Polynésie, la réponse était stipulée dans l’appel d’offres. Du côté de la défense, ce courrier n’avait que pour objet de "faire pression sur le ministre."
Au terme de plus de deux heures d’échanges houleux et animés, le président du tribunal a levé la séance. Il devrait rendre sa décision dans le week-end.