Carnet de voyage – Alexander Pearce, le cannibale de Tasmanie que personne ne crut…

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Carnet de voyage - Alexander Pearce, le cannibale de Tasmanie que personne ne crut…
AUSTRALIE, le 8 septembre 2016. Missionnaires, explorateurs, entrepreneurs… La galerie de portraits que nous offre l’histoire de l’Océanie est riche de personnages hauts en couleur et pour certains dignes d’éloges. Mais il y a aussi, dans ces personnalités incontournables, des individus nettement moins fréquentables, comme Alexander Pearce, qui reste, aujourd’hui encore, le pire cannibale que la Tasmanie a connu. Quand il s’évada, par deux fois, il mangea ses compagnons pour survivre ; mais, même après avoir avoué ses crimes, il ne fut pas cru !

Notre histoire se déroule en Tasmanie, au sud de l’Australie, mais elle commence en réalité en Irlande ; en 1790, alors que la France est en ébullition, le petit Alexander Pearce voit le jour dans le comté de Monaghan ; son père est laboureur, c’est dire qu’il n’y a guère d’argent qui rentre à la maison, pas assez pour offrir au jeune enfant une éducation de gentleman.

Voleur de chaussures

On ne sait rien de très précis du passé du jeune Alexander, sinon qu’il fut condamné à la déportation en Australie par un tribunal d’Armagh en 1819 (il avait donc alors 29 ans), pour le vol de six paires de chaussures. Ce n’était pas le vol d’un homme affamé, mais le forfait d’un voleur “professionnel”.

Pearce (parfois orthographié Pierce), était une forte tête. Il ne payait pas de mine, mesurant tout juste 1m 60, taille en dessous de la moyenne à l’époque. Après les vols, il fut condamné à sept ans d’enfermement ; mais il n’entendait pas rester en prison ; il acquit la réputation d’un perpétuel candidat à l’évasion et s’illustra très rapidement après sa condamnation à l’exil en Australie. En un peu plus d’un an après son arrivée sur la côte est de la Tasmanie, il cumulait déjà deux tentatives d’évasion.

En rébellion permanente

Face à ce cas de résistance à l’autorité et de permanente rébellion, l’administration décida de l’envoyer sur la côte ouest de ce que l’on appelait alors encore l’île de Van Diemen, au sein de l’établissement pénal implanté dans le vaste site naturel de Macquarie Harbour, sur la toute petite île de Sarah.

Là, c’était certain, Pearce serait bien obligé de se tenir tranquille. Sauf que ce cabochard d’Irlandais ne supporta pas les conditions de détention de Sarah Island, bien pires que ce qu’il avait déjà connu et, une fois de plus, il prit la décision de mettre fin à son calvaire : il avait une deuxième bonne raison de se faire la belle, il avait écopé d’une nouvelle peine d’enfermement après la capture ayant suivi sa dernière évasion et il était condamné, il le savait, à ne sortir de cellule que les pieds devant.

Le plus horrible des bagnes

Sarah Island passait, à l’époque, pour être le plus récent et le plus horrible des bagnes anglais, réservé aux récidivistes notoires ; violences permanentes, nourriture insuffisante, taches harassantes, humiliations quotidiennes, les détenus vivaient l’enfer et généralement ne tenaient pas le rythme bien longtemps. Pour s’évader, Pearce avait besoin de complices ; c’est à huit qu’ils prirent finalement la clé des champs en 1822, six semaines seulement après l’arrivée à Sarah Island du petit Irlandais, tous bien décidés à ne pas être repris, quel que soit le prix à payer. Et ce prix allait se révéler très vite monstrueusement élevé…

Le 20 septembre 1822, sur le site de coupe et de préparation des billes de pin de Huon, superbe bois jaune imputrescible, les huit complices avaient prévu de s’emparer d’un navire baleinier à l’ancre ; à huit, ils se faisaient fort de gagner la pleine mer et de faire voile en direction du nord, vers l’Asie où ils comptaient se réfugier, probablement dans un comptoir hollandais.

Tout se passa ce jour-là à peu près comme ils l’escomptaient, sauf qu’ils ne furent pas capables de gagner la pleine mer ; ils s’échouèrent et se mirent alors en route dans une impénétrable forêt humide et froide.

Seule ressource, la chair humaine !

Face à l’inconnu, les huit hommes foncèrent droit devant, tentant de se diriger vers la côte est, à travers ce qui est demeuré l’une des forêts primaires les plus denses et les plus difficiles à parcourir. Ils n’avaient pas de vivres, et seule l’eau ne leur manquait pas tant la région est humide et pluvieuse. Avancer dans un tel enfer vert et froid nécessitait de leur part des efforts surhumains et donc une nourriture en conséquence.

Après huit jours de fuite en avant, sans rien avoir à se mettre sous la dent, épuisés, les huit hommes comprirent que leur seule nourriture possible était la chair humaine, celle qu’ils avaient encore sur les os.

Sans qu’ils ne sachent vraiment pourquoi, ils fondirent tous sur le malheureux Alexander Dalton, qui aurait été plus ou moins candidat à la mort, tant il était épuisé.

Evidemment, le repas permit de caler les estomacs, mais un tel acte laissa des traces ; après l’écœurant festin, tout le monde observait tout le monde, chacun se demandant qui serait le prochain à figurer au menu. Deux hommes, Edward Brown et William Kennerly, décidèrent de ne pas prendre le risque d’être les suivants sur la liste ; ils s’échappèrent au petit matin dans la forêt, sans demander leur reste. Il parvinrent à retrouver la côte de Macquarie Harbour, furent repris, mais moururent tout de même des suites de leur épuisante cavale.

Effrayante et macabre cuisine

De huit, les fuyards n’étaient plus que cinq à poursuivre leur périple. Un ancien marin, Robert Greenhill, avait pris la tête de la petite colonne, naviguant à l’estime.

Les fuyards tinrent 42 jours dans le labyrinthe vert. Evidemment, il fallait manger et pour manger, il fallait éliminer le plus malade et le plus affaibli, celui qui ne pourrait pas se défendre arrivé à l’heure du sacrifice. La boucherie se poursuivit donc sans que rien ne vienne troubler la bonne conscience des marcheurs : Thomas Bodenham et John Mather payèrent ainsi de leur vie la fringale de leurs compagnons ; d’après le témoignage de Pearce, ce fut incontestablement Greenhill qui fut le plus actif en termes de barbarie, mais l’Irlandais prit largement part à cette effrayante et macabre cuisine.

A ce propos, grâce à Pearce, on sait que la viande était mangée tantôt cuite, tantôt crue, quand le temps ne permettait pas de faire un feu ; tout y passait, la chair des muscles, mais aussi les organes internes, les entrailles. Il ne s’agissait pas de laisser perdre quoi que ce soit !

Les deux derniers, face à face

Manque de chance pour l’avant-dernier homme, Matthew Travers, un serpent venimeux le mordit au talon et la plaie s’infecta très rapidement. Pearce et Greenhill n’avaient d’autre arme qu’une hache et Travers, délirant et fiévreux, demanda à être achevé tant il souffrait. Greenhill et Pearce attendirent que le malheureux s’endorme pour lui fracasser le crâne et le dévorer.

Ne restait plus alors que deux affamés prêts à se jeter l’un sur l’autre pour manger à sa faim, même si la seule chair humaine ne suffisait pas à régénérer leurs forces dans un tel environnement.

Qui était le chat, qui était la souris ?

Pendant huit jours, la question resta en suspend, les deux bagnards sachant que le premier qui s’endormirait serait impitoyablement croqué. Pearce, nous l’avons dit, ne payait pas de mine, mais il était solide, trapu et résistant. Totalement épuisé, Greenhill ferma les yeux le premier ; il ne devait plus les rouvrir, Pearce le tuant immédiatement pour se repaître de sa chair. Monstrueux repas en solitaire…

Recherché, capturé et livré

Avec cette provision de viande fraîche, Pearce trouva la force de terminer sa traversée et de se réfugier chez un éleveur de moutons, lui-même ancien bagnard qui accepta de le cacher plusieurs semaines, durant lesquelles l’Irlandais put se refaire une santé, cette fois-ci en mangeant du mouton et des légumes… Mais pour cela, Pearce dut voler dans les fermes environnantes, tuer du bétail, se faire remarquer. Le voleur fut recherché, capturé et livré aux autorités.

Se sachant condamné à retourner à Sarah Island, Pearce voulut-il en finir une bonne fois pour toutes ? Toujours est-il qu’interrogé sur ses camarades évadés, il se mit à table, sans jeu de mots, et avoua tout ; même le pire, même le plus atroce, avec force détails.

A la surprise totale de Pearce, personne, au niveau des autorités anglaises, ne lui accorda le moindre crédit. Ce que disait ce fanfaron de bagnard ne pouvait être qu’une énorme supercherie. Personne ne mangerait ses compagnons, personne ne les tuerait et ne les découperait pour les dévorer crus ou grillés. Le magistrat et pasteur qui recueillit ses confessions, le révérend Robert Knopwood (1763-1838), n’en crut pas ses oreilles, pas plus que tous les autres maillons de la chaîne administrative de Tasmanie. Pearce mentait effrontément, pour ne pas révéler où ses camarades s’étaient réfugiés, car ils devaient tous être bien vivants et cachés.

Retour à la case départ

Verdict incontournable, il n’avait tué personne en s’évadant et en tant que récidiviste, il se vit reconduire à la prison de Sarah Island, une prison au sein de laquelle il fut reçu comme une grande vedette par les autres prisonniers, ayant réussi à tenir 113 jours hors de portée de ses geôliers.

Pour l’Irlandais, ce retour à la case départ fut une terrible déception ; il n’était pas question pour lui de rester dans ce mouroir. Quelques mois après son retour en prison, il déjoua à nouveau la surveillance de ses gardiens et s’échappa, accompagné d’un seul autre camarade, le jeune et malheureux Thomas Cox. Malheureux, car son destin allait évidemment être tragique aux côtés du monstre qu’était devenu Pearce. Cette fois-ci, les deux hommes restèrent sur la côte ouest de la Tasmanie où ils ne tardèrent pas à tourner en rond, leurs poursuivants aux trousses.

Des morceaux de chair humaine

Après onze jours de fuite éperdue, Pearce fut à nouveau cerné par la troupe. Cox avait disparu. Arrêté, Pearce fut immédiatement fouillé et ceux qui le traquaient eurent bien du mal à croire à ce qu’ils trouvèrent dans le bagage du fugitif : horrifiés, ils découvrirent des morceaux de viande, de la chair humaine, celle de Cox avoua le cannibale, cette fois-ci enfin pris au sérieux.

“Cox ne savait pas nager” expliqua Alexander Pearce et cette découverte l’aurait mis dans une telle rage qu’il l’aurait battu à mort, furieux de s’être encombré d’un compagnon si peu doué pour la liberté. Une fois le cadavre du jeune évadé à sa disposition, par envie, par souci de se constituer une réserve de vivres, par goût aussi, Pearce le dépeça, le mangea et stocka la chair qu’il put conserver avec lui. En fait, il avoua tout simplement avoir pris goût à cette nourriture. Le fils d’un pauvre laboureur irlandais était devenu, par habitude, un psychopathe irrécupérable…

Daniel Pardon


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Coupable et pendu

Quelques temps plus tard, lors de son procès, Alexander Pearce donna l’impression de se repentir ou, à tout le moins, d’avoir pris conscience de la gravité de ses actes. Après la découverte des restes de Cox, ses aveux concernant ses premiers camarades furent enfin pris en compte. Face au procureur Joseph Tice Gellibrand, Pearce ne se défendit pas. Il n’avait aucune circonstance atténuante et il le savait. Il savait aussi que le président de la cour, le juge John Lewes Pedder, ne lui ferait aucun cadeau, l’homme étant réputé intransigeant (comment ne pas l’être face à un cas semblable ?).

Nous étions le 20 juin 1824, l’hiver austral s’était installé sur la Tasmanie, le procès n’allait pas durer des mois. De fait, la sentence fut finalement prononcée à la mi-juillet 1824 et Alexander Pearce fut pendu à 9 heures du matin, le 19 juillet 1824, dans la cour de la prison de Hobart, non sans avoir reçu les derniers sacrements (il était catholique) du père Philip Conolly, qui ne put que recommander à Dieu l’âme de cette brebis singulièrement noire dans le troupeau de ses ouailles.

Au moment du jugement, il avait été précisé que le corps du monstre ne connaîtrait pas le repos. A cette époque, la criminologie en était à ses balbutiements et la science voulait savoir si, physiquement, un cannibale portait des marques le distinguant des citoyens “normaux”.

Pour cela, le corps du condamné fut à son tour dépecé, coupé, charcuté, tranché, disséqué en tous sens et toutes les données recueillies furent savamment enregistrées, sans d’ailleurs que quoi que ce soit put mettre en exergue une possible prédestination au cannibalisme.


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