Placé en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie en milieu de semaine dernière, pour y être interrogé dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet pour des faits présumés de corruption, Cyril Tetuanui fait aujourd’hui l’objet d’une convocation par officier de police judiciaire dans cette affaire.
En clair : le maire de Tumara’a et président du Syndicat pour la promotion des communes (SPC) est convoqué devant le tribunal correctionnel. Selon nos informations, l’audience se tiendra le 17 janvier 2017. L’édile est renvoyé devant les juges pour des faits présumés de trafic d’influence. Il ne sera pas seul à la barre ce jour-là, le commerçant soupçonné de lui avoir "graissé la patte" devra lui aussi s’expliquer devant les magistrats.
Une enquête incidente
Ce dernier est actuellement écroué dans une affaire distincte de trafic de produits stupéfiants. Mais c’est à la faveur de l’enquête le concernant que la procédure incidente visant Cyril Tetuanui avait vu le jour. Selon nos informations, les enquêteurs avaient en effet découvert de façon fortuite, lors des perquisitions chez le commerçant, un document papier signé faisant état d’un versement de 1,5 million de francs au bénéfice du tavana de Tumara’a. Interrogé par la suite sur ce point, ce dernier aurait reconnu le versement d’espèces en échange de quoi Cyril Tetuanui s’engagerait à favoriser ses affaires avec la commune. Des révélations que le juge d’instruction se serait empressé de communiquer au parquet, provoquant l’ouverture de l’enquête préliminaire dont il est question aujourd’hui et qui vaut au président du SPC cette nouvelle convocation devant le tribunal correctionnel. Auditionnée elle aussi mais librement dans le cadre de cette affaire, la sénatrice et épouse de Cyril Tetuanui, Lana Tetuanui, a été totalement mise hors de cause confient des sources proches du dossier. Le commerçant avait pendant un temps mis les enquêteurs sur la piste d’un éventuel financement politique pour justifier les traces de cette transaction.
Le parquet a requis 18 mois de prison avec sursis et 3 ans de mise à l’épreuve contre le tavana, 3 millions de francs d’amende et 2 ans d’inéligibilité. Le tribunal a mis son délibéré au 13 décembre prochain.
Pour sa défense, Cyril Tetuanui a répété qu’il n’avait fait que prendre le train en marche, récupérant le règlement final d’un projet lancé et monté par l’ancienne mairesse et contre lequel il s’était d’ailleurs élevé du temps où il était dans l’opposition. L’élu qui a aussi rappelé l’approbation unanime de ces règlements litigieux par le conseil municipal, pressé de régulariser la situation de la commune vis-à-vis de l’entrepreneur pour récupérer les ouvrages finis au plus vite, sur fond d’élections municipales à venir.
Pas de corruption
Le représentant du ministère public, lui, tout en écartant tout "pacte de corruption" dans ce dossier, a estimé ce mardi que Cyril Tetuanui, ancien régisseur, maire, "rompu aux fonctions d’élu", ne pouvait pas "méconnaître la réglementation des marchés publics" de la sorte. L’accusation soutient que ces travaux de peinture, d’assemblage, de couvrage des structures métalliques et les études complémentaires dont il est question et qui ont à son sens abusivement été facturés à la collectivité, étaient pourtant déjà compris dans le cahier des charges initial du projet, qu’ils auraient au mieux du faire l’objet d’un nouvel appel à concurrence, au pire d’un recours en contentieux devant le tribunal administratif.
Sur le terrain purement juridique, Me Quinquis, dans les intérêts de Cyril Tetuanui, s’est attaché à démontrer que son client, tout au long de la gestion du règlement de ce dossier, n’avait fait que suivre les recommandations "pas toujours très avisées" des représentants de l’Etat qu’étaient l’administrateur des Iles-sous-le-vent et le trésorier payeur général, dans un contexte de vide juridique qui persiste encore aujourd’hui en matière de commande publique par les communes de Polynésie française.
12 mois de prison avec sursis et 5 millions de francs d’amende ont enfin été requis contre l’entrepreneur en bâtiment chargé du projet, poursuivi pour "recel de favoritisme et usage de faux en écriture privée". De 6 à 8 mois de prison avec sursis ont été suggérés pour "altération frauduleuse de la vérité dans un écrit" contre l’auteur des études complémentaires, un ancien expert judiciaire en bâtiment mandaté a posteriori par le premier.
Rappelons que Cyril Tetuanui a déjà été condamné pour prise illégale d’intérêt et abus de confiance par un élu et faux en écriture en 2011 par la cour d’appel de Paris. Il avait écopé de 12 mois de prison avec sursis simple et 1 an d’inéligibilité.
Délibéré le 13 décembre.