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Au fond de la vallée de verdoyante de Nuutania s’élève un colosse de pierre et de barbelés, qui semble dénué de toute humanité. La vallée a prêté son nom à cette prison. Ses murs sont le témoin des années passées. Au barreau des fenêtres, de minces fils de fer sont accrochés. Bleu, rouge, vert, le linge des détenus y pend et ajoute un peu de couleurs au bâtiment qui ne respire guère la vie.
9 heures tapantes. Le haut-commissaire, René Bidal, descend de sa voiture. Il est accueilli par le personnel du pénitentiaire. Le représentant de l’État salue chacun d’eux avant d’aller déposer une gerbe de fleurs devant la stèle en mémoire de Pau, ancien surveillant mort de façon tragique à la prison dans les années 1980. Après le recueillement, les portes lourdes et grinçantes s’ouvrent. Le portillon de sécurité entonne son alarme criarde. Le sas est composé de quelques cellules où attendent les détenus avant le parloir.
Quelques marches plus haut, une autre porte aux barreaux défraîchis laisse place aux espaces de vie des prisonniers : de petites cellules équipées de lits, de quelques meubles, parfois d’une télé et d’une douche. Certains détenus viennent d’arriver, d’autres sont ici depuis plusieurs années et ont su s’accommoder du peu d’espace. Au courant de la visite du haut-commissaire, nombreux sont ceux qui se sont appliqués au rangement et nettoyage de leur cellule. "Bonjour! Ia ora na!", s’exclament-ils avec le sourire au passage de René Bidal et son équipe. Au fond du couloir, deux locataires des lieux sont assis en tailleur. Ils jouent aux dames. "C’est ici que j’ai appris", commente l’un d’entre eux. Leurs voisins de cellule les observent et lancent des blagues de temps en temps. En prison, la vie des détenus ne se passe pas qu’en cellule.
A l’étage du dessous, place aux cuisines.
Il est presque 10 heures, l’heure du repas approche. De grandes marmites en fonte sont sur le feu. Les chefs de Nuutania s’affairent à la tâche. L’équipe est composée de civils et de détenus. " Ça fait neuf ans que je travaille dans cette cuisine, explique un pensionnaire de Nuutania. A l’extérieur, j’étais déjà chef dans un hôtel. En faisant partie de cette équipe, cela me permet de ne pas trop perdre la main…" Et de préparer sa sortie. Dans un an, l’homme aux cheveux grisonnants sera à nouveau dehors. Il compte retourner derrière les fourneaux.
Quelques couloirs plus loin, une infirmerie a été installée. Des équipes de l’hôpital se relaient ici par tranche de 12 heures. Un détenu est allongé sur une banquette, il attend de se faire soigner. "Je travaille ici depuis environ un an, explique l’infirmière en poste ce jour-là. J’ai souhaité venir ici pour exercer mon métier…", ajoute-t-elle, sans pour autant expliquer ses motivations. Il est temps de déserter les lieux, deux personnes attendent de passer entre les mains de cette dernière. La visite du haut-commissaire touche à sa fin. Mais avant de retrouver ses quartiers, l’homme d’Etat passe par une annexe de la prison.
Ce cadre a été mis en place pour les détenus qui ont écopé d’une courte peine ou qui sont en fin de séjour à la prison. Le but principal est de favoriser leur réinsertion. Les cellules y sont un peu plus grandes que dans l’autre bâtiment mais les douches sont communes. Sur les blocs qui les ferment, deux verrous sont installés. "Il y en a un pour nous, les surveillants. Et il y en a un autre pour lequel les détenus disposent de la clé. Comme ça, s’ils veulent s’enfermer ils le peuvent ou quand ils rentrent du travail, ils ouvrent leur cellule eux-mêmes." L’annexe possède ses propres cuisines et son propre espace en plein air.
Terrain de basket et table de ping-pong sont à la disposition des prisonniers, eux aussi, tout sourire à l’arrivée du haut-commissaire.
Ils saluent chacun leur tour René Bidal. A Nuutania, il semblerait que les détenus soient la preuve qu’il y a bien un peu d’humanité entre les murs.