"Trois ou quatre bateaux de 24 mètres partiront pour les Marquises, à la fin du mois", déclare Tutu Tetuanui, de la société Big Eyes.
Des bateaux réhabilités et qui seront peints en couleur bleu ciel. Les maires marquisiens ont d’ailleurs visité quelques-uns, vendredi dernier, au port de pêche de Fare Ute.
Un moment solennel pour les tāvana puisqu’"on voit que les choses avancent", dit Joseph Kaiha, maire de Ua Pou. "On nage dans le bonheur", poursuit Félix Barsinas, président de la communauté des communes marquisiennes (Codim).
"Nous avons eu un séminaire sur la sécurité en mer, le week-end dernier, où tous les techniciens de l’Etat se sont déplacés aux Marquises pour nous écouter. Et cette semaine, avec le SAGE, eh bien tout fonctionne à merveille. Aujourd’hui (vendredi NDLR), la compagnie a eu ses dix licences de pêche. Et là, un mail qui nous arrive des forces vives de l’armée pour donner des directions au capitaine du GSMA à Atuona pour mettre en place rapidement une formation pour nos jeunes marquisiens qui veulent travailler pour ce projet", explique Félix Barsinas.
Du coup, les tāvana ont également décidé de nommer Sylvana Puhetini, présidente du groupe RMA à l’assemblée, marraine de ce projet. "Je suis fière", lâche-t-elle. Pour cette native des Marquises, l’enjeu est de taille surtout que "ça va donner de l’emploi à tous nos jeunes."
Après les bateaux, la délégation s’est rendue dans les futurs locaux de la société Big Eyes situés au port de pêche. "La moitié de notre flottille restera sur Tahiti, ce qui nous permettra de faire travailler les deux box que nous venons d’acquérir. Dans l’un de ces deux box, nous avons un qui sera agréé pour l’exportation vers l’Europe qui a une règlementation très stricte par rapport à d’autres pays", décrit Tutu Tetuanui.
Reste plus qu’à attendre le jour du départ, mais l’émotion et l’excitation gagnent les équipages. "Je suis dans la pêche depuis 1997. Je suis entré dedans avec mon père qui était capitaine, à l’époque. Et les Marquises, c’est un secteur que je connais", raconte Marcel Taputu, jeune capitaine de 35 ans.
METTRE FIN AUX CRITIQUES
Depuis que le projet a été dévoilé au grand jour, début avril, un collectif d’habitants s’est levé pour manifester son opposition à ce projet.
Maintenant que tout est en ordre, la société Big Eyes tient à rassurer les marquisiens. "Les gens qui protestent contre ce projet sont mal informés. Ils n’ont pas les bons chiffres et certains ont de mauvaises intentions. Aujourd’hui, pour 5 millions de kms que la Polynésie possède, on ne pêche que 5 000 tonnes par an. Les Kiribati c’est moins grand que chez nous, ils pêchent 70 000 tonnes par an. La capacité de pêche par an, selon l’institut de recherche et de développement nous donne la possibilité de pêcher 90 000 tonnes par an. Aujourd’hui, nous nous visons peut-être 2 000 à 3 000 tonnes par an aux Marquises", précise Tutu Tetuanui.
"Tant que nous resterons sur la pêche du long line, il y aura toujours du poisson, c’est ce que nous faisons. Le jour où il y aura les senneurs ici, avec les filets, ce sera réellement fini. Cette technique est utilisée par les gros bateaux espagnols qui trainent les gros filets par derrière et ils ramassent tout sur leur passage", rajoute Marcel Taputu.
La société s’engage à respecter les délimitations qui seront décidées par la Codim. "Les thoniers ne viendront pas pêcher dans la zone prescrite, c’est-à-dire dans les 12 nautiques. Et nous avons la volonté d’agrandir cette zone de restriction jusqu’à 40 ou 50 nautiques. Nous sommes soucieux de maintenir cet équilibre pour que les ressources soient pérennes", rassure Félix Barsinas.
UNE FORMATION VA DÉMARRER EN OCTOBRE À FATU HIVA
Et puisque l’objectif des élus marquisiens est de développer l’emploi dans leur archipel, il va donc falloir former ce futur personnel.
Des formations qui seront assurées par les professionnels de la société Big eyes. La première démarrera en octobre, à Fatu Hiva. "Ça fait 22 ans que je travaille dans ce métier. Je vais former, pendant au moins deux mois, les jeunes qui feront le filetage, les conditionnements. Je vais leur apprendre la propreté, l’hygiène et les comportements à avoir dans une salle de mareyage. Et quand ce sera prêt dans les autres îles, je me rendrai là-bas pour former d’autres jeunes", explique Albert Ariipeu.
Les maires font appel aussi aux marquisiens expérimentés à les rejoindre. Ils viendront renforcer leurs homologues sur place. Et tout un panel de formation est en préparation : "On va former nos jeunes marquisiens en tant marin pêcheur, capitaine… Nous avons déjà vu avec le centre de formation ici à Tahiti. Ils mettent en place six modules dans les formations de capitaine de bateau de pêche. Donc, il y a quatre modules de formation qui vont être décentralisés aux Marquises pour faciliter les choses. Par contre, il y aura des modules, où il faudra venir impérativement ici parce que les équipements ne sont pas déplaçable", rajoute Joseph Kaiha.
Mais avant de lancer quoi que ce soit, une cérémonie sera organisée aux Marquises pour l’inauguration et la bénédiction de cette activité.
D’ailleurs, la société Big Eyes attend encore de nouveaux bateaux, 12 arriveront à la fin de l’année. Au mois de février, la société recevra 20 bateaux de 14 mètres, 40 autres seront à Tahiti en milieu d’année prochaine, et deux bateaux de surgélation arriveront fin 2018.
Sur trois ans, la société aura investi 7 milliards de francs. Ce sont des bateaux qui auront une durée de vie de 10 à 15 ans.
Marraine du projet
"Il y a beaucoup d’emplois pour nos jeunes"
"D’abord, il faut former nos populations parce qu’il y a des techniques à apprendre au niveau de la pêche, de la découpe, tout est traité sur le bateau avant que le poisson soit livré. Je pense qu’il y a beaucoup d’emplois pour nos jeunes aux Marquises.
Pour l’instant, je ne connais pas mon rôle en tant que marraine, mais je pense que je devrais représenter cette activité partout où j’irai. Et vu que je suis à l’assemblée, eh bien, je pourrai défendre le dossier et voir son avancée."
Maire de Ua Pou
"C’est une activité qui doit être au profit de la population des Marquises"
"Au départ, ce projet a été mis en place pour les emplois que cela pourra procurer à notre jeunesse marquisienne. C’est vrai qu’actuellement, il y a des avis partagés. Il faut accepter. Je pense qu’il y a des informations à faire passer. Mais déjà dès le départ, nous avons bien souligné avec l’investisseur que c’est une activité qui doit être au profit de la population des Marquises, avec les emplois. Mais aussi le développement économique de la Polynésie à partir des Marquises.
Et puis, ce qui est bien aussi, c’est que le pêcheur marquisien n’aura pas à s’absenter trop longtemps parce que le lieu de pêche est à côté. Il s’absentera que durant une semaine, le temps de la campagne de pêche. Si on part de Papeete, on met 3 à 4 jours. Le temps d’y aller à partir de Tahiti, c’est le temps de campagne sur place."
Président de la Codim
"Les élus font un effort pour accompagner ce projet de pêche"
"Le maire de Fatu Hiva est prêt parce qu’il profite des infrastructures déjà en place. En accord avec tous les pêcheurs de son île, s’ils peuvent faire partir 500 kg de poissons frais, ils le feront. Donc, il a sollicité Degage à ce qu’il y ait un formateur au niveau du filetage pour venir à Fatu Hiva et profiter de l’occasion pour venir à Hiva Oa et former d’autres jeunes. Bien évidemment, ce sont des jeunes qui sont motivés, et on laisse le choix au formateur de faire le tri afin de garder des jeunes hyper motivés.
Les élus font un effort pour accompagner ce projet de pêche. Encore faut-il aussi qu’au niveau local, on puisse recruter des jeunes qui ont le profil. D’ailleurs, le maire de Fatu Hiva va illustrer cet exemple de travail de proximité et d’actions sur place, puisqu’il sera opérationnel d’ici un mois. Il a l’intention d’exporter 500 kg de poissons frais, avec l’étroite collaboration de la société Degage."
Société Big Eyes
"C’est une pêche qui durera une voire deux journées"
"Nous avons fixé deux types de produits par rapport au marché ciblé. Donc, c’est le frais qualité sashimi. C’est une pêche qui durera une journée voire deux journées, et avec nos thoniers, trois jours. Les poissons seront à terre. Le pari veut qu’à partir du moment où le poisson sortira de l’eau, cinq jours plus tard, il sera dans l’assiette du client à l’international.
Deuxième cible, ce sont les bateaux qui pêcheront à plus de 100 nautiques à l’extérieur de la ZEE, jusqu’à Clipperton. Ces poissons-là seront surgelés à -60°C, ce qui permettra d’avoir sur le marché un prix compétitif.
On a beaucoup parlé aussi des bateaux de transformation. Il y en aura deux, et ces bateaux permettront de transformer le poisson à bord, en attendant que les deux salles de mareyage qui sont pris en charge par la communauté de communes soient réalisées, une au Nord et une au Sud. Ce sera surtout pour les thons de 30 kg et plus qui seront envoyés en entier. Donc, il y a très peu de découpes. Ces poissons seront exportés sur le marché international. Entre 20 et 30 kilos, ces poissons seront travaillés en filet, ça sera destiné sur une autre partie du marché international."