L’Australie essuie les foudres des organisations de défense des droits de l’homme pour ses mesures drastiques contre les migrants tentant de gagner ses côtes. Elle les relègue dans des camps de rétention dans des pays tiers, comme celui de l’île de Manus.
Canberra a cependant été contraint de fermer le 31 octobre ce centre, que la Cour suprême de Papouasie avait jugé anticonstitutionnel.
Mais des centaines de migrants dénonçant depuis des années l’impasse juridique dans laquelle ils se trouvent ont refusé de se rendre dans un autre centre de rétention et opté pour le bras de fer avec les autorités locales en se retranchant sur le site.
Après 23 jours de face-à-face, la police papouasienne est entrée jeudi dans le camp, contraignant 50 hommes à partir dans deux autres centres de rétention.
« Nous faisons de notre mieux et les réfugiés ne peuvent continuer à être têtus et provocateurs », a déclaré dans un communiqué le commissaire de police Gari Baki, qui avait pourtant assuré en début de semaine que la force ne serait pas employée.
« Le fait est que nous ne les déplaçons pas dans la jungle. Ils sont envoyés dans deux centres où ils ont l’eau, l’électricité, de la nourriture et des soins médicaux », a-t-il dit.
– ‘Menotté pendant deux heures’ –
Le ministre australien de l’Immigration Peter Dutton a indiqué que l’opération de police allait se poursuivre, précisant qu’il y avait jeudi matin 370 personnes dans le camp.
Il a aussi déclaré sur la chaîne Sky News qu’un petit groupe de personnes avaient été arrêtées pendant l’opération de police, y compris le réfugié iranien Behrouz Boochani, qui tient le rôle de porte-parole des occupants du camp.
Ce journaliste a été par la suite relâché. Et M. Baki a précisé qu’il avait été envoyé vers un autre centre de rétention.
« Je viens d’être relâché », a raconté ce dernier dans un tweet. « Ils m’ont gardé menotté pendant deux heures dans un endroit derrière le camp. »
« La police a battu certains réfugiés et les a forcés à aller dans un nouveau camp », a-t-il par ailleurs tweeté.
Le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) s’est dit préoccupé par des informations faisant état d’un usage de la force pendant les évacuations: « Le HCR a reçu l’assurance qu’on n’a pas recouru à un usage excessif de la force, mais ne peut pas le confirmer d’une façon indépendante car son personnel n’a pas bénéficié d’un plein accès au centre ».
Le HCR a appelé l’Australie à « procurer une protection réelle, la sécurité et des solutions durables à tous les réfugiés et demandeurs d’asile en coopération avec les autorités de Papouasie-Nouvelle-Guinée ».
L’Australie est depuis des années critiquée pour sa politique et ses conséquences sur les migrants.
Même si leur demande d’asile est fondée, ils ne sont pas acceptés sur le sol australien, Canberra ne leur offrant que la possibilité de s’établir dans un pays tiers ou de rentrer chez eux.
Cette politique n’a eu qu’un succès limité, très peu de migrants étant partis vivre dans d’autres pays.
Mais elle a été réaffirmée jeudi par le Premier ministre australien Malcolm Turnbull, qui soutient qu’elle permet d’éviter de dramatiques naufrages en ce qu’elle dissuaderait les migrants de se lancer dans la périlleuse traversée vers l’Australie.
– Hostilité des habitants –
« Ils pensent qu’ils peuvent faire pression sur le gouvernement australien pour qu’il les laisse venir en Australie. Et bien nous ne céderons pas aux pressions », a-t-il dit aux journalistes à Canberra.
En raison de la fermeture du camp de Manus, les 600 migrants qui l’occupaient avaient été priés de se rendre dans trois centres de « transition ».
Mais beaucoup ont refusé cette offre, disant craindre l’hostilité des habitants de Manus qui n’ont pas été consultés sur l’ouverture de ces centres. Ils rejettent aussi l’idée de « quitter une prison pour une autre ».
La police australienne a précisé à l’AFP qu’elle avait un officier de liaison à Manus, mais qu’aucun de ses membres n’était dans le camp ou impliqué dans l’opération de police.
La Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a proposé d’accueillir 150 réfugiés. Une offre rejetée par M. Turnbull.
Washington a accepté de prendre en charge 54 migrants, mais seuls 24 se sont à ce jour envolés pour les Etats-Unis.