"On se sent abandonnés" dit Lanie*, les larmes aux yeux. Il y a un an, tout comme 70 autres familles, Lanie et ses proches ont perdu leur maison. En attendant les nombreuses aides du Pays en termes de logement, les sinistrés de Tiarei ont été rassemblés dans les salles paroissiales de la commune. Lanie et sa famille se sont retrouvées à Huuau.
Petit à petit, la salle s’est vidée de ses occupants. Mais Lanie et les siens sont toujours sur place, et le plus dur pour cette famille a été la perte récemment de leur mère. "Ma maman est tombée gravement malade, elle a eu un cancer. Dans sa tête, ça travaillait beaucoup par rapport à la maison et cela a aggravé la maladie. Aujourd’hui, on a enterré notre maman et on est toujours là. Ça fait un an qu’on attend. On se sent abandonnés. Comment faire sans notre maman ? Pour éviter d’être tristes et seuls, nous avons demandé aux frères et sœurs de venir avec nous. Nous ne savons plus quoi faire", raconte Lanie.
Désespérée et remontée, Lanie est perdue. "On a fait les démarches comme tous les sinistrés, on a fait les dossiers de demandes de fare OPH et on nous a promis que ce serait bon. On a eu beaucoup d’étapes et l’OPH ne nous a pas dit que les maisons n’allaient pas sortir, alors qu’ils étaient déjà au courant. Nous avions reçu, trois mois après, le courrier, parce qu’ils se sont trompés sur les noms de famille. Quand on a eu les documents c’était déjà trop tard. Après, nous sommes allés voir les affaires sociales, nous avions eu, là-aussi, des promesses et aujourd’hui nous n’avons toujours rien et on attend. On nous a dit qu’il fallait attendre que cela passe en commission. Les commissions sont passées, il faut attendre les signatures des ministres. Au niveau de la commune, la plupart des sinistrés ont eu leurs aides sauf nous."
"Le problème pour cette famille est dû au foncier, je leur ai demandé de nous confirmer le lieu où on pourra construire leur future maison. Ils savent que le Pays et la commune sont là pour les accompagner et les aider à avoir leur maison", explique Dauphin Domingo, maire de Hitiaa o te ra.
Cependant, "on ne voulait pas de maisons OPH, mais l’OPH voulait vraiment que l’on aille dans une nouvelle maison. Mais sur le terrain, où nous sommes, il y a plusieurs familles. Ça fait presque 30 ans que l’on habite dessus et on n’avait jamais eu de problèmes. Mais après les intempéries, toutes les familles voulaient aller dessus parce que c’est propre. Tout d’un coup, tout le monde est propriétaire de ce terrain", regrette Lanie.
Selon le ministère du logement, Lanie et sa famille bénéficieront d’une nouvelle maison sur le terrain de l’OPH à Onohea. "Ils sont toujours dans cette salle parce qu’ils n’ont pas souhaité aller dans une maison à louer, en attendant", explique-t-on au ministère.
En effet, pour répondre aux attentes des familles, le Pays leur avait proposé de se rendre dans des maisons à louer, avec l’aide de l’Agence immobilière sociale de Polynésie française (AISPF), dans l’attente de l’obtention de leurs nouvelles maisons. Le Pays prend en charge 2/3 du loyer et 1/3 est supporté par les familles. Donc, quatre familles ont accepté cette proposition, dont "une maman qui était sous appareil respiratoire".
90 % DES MAISONS SONT TERMINÉES
Sur Hitiaa o te ra, on compte près de 70 familles victimes des fortes intempéries, l’an dernier, dont un décès.
Un an plus tard, le maire estime à 90 % les maisons reconstruites. Plusieurs familles ont reçu des bons d’aides en matériaux, tandis que d’autres auront une nouvelle maison. Si certaines pourront reconstruire sur leur terrain, sept à huit familles sont encore dans l’attente de leur logement. "Ces familles, dont une de Papenoo, iront sur un terrain qui appartient à l’OPH et qui se trouve dans la vallée d’Onohea à Tiarei. Pour l’heure, les équipes de l’OPH nettoient le terrain", déclare le tāvana de Tiarei.
Ce terrain sera départagé en huit parcelles de 600 m², il sera en location-vente "pour que ces familles puissent être propriétaires au final. Mais, leur loyer ne sera pas trop élevé", assure-t-on du côté du ministère du logement.
En ce qui concerne les rivières sur Tiarei et Papenoo, le bilan est assez mitigé. "L’enrochement est un peu lent", assure Dauphin Domingo. "Parmi ces rivières, on retrouve celle d’Onohea ainsi que d’autres dont personne ne se souciait. Donc, on est encore dans l’attente, alors qu’une équipe de l’Équipement est venue dans notre commune, bien avant que les intempéries ne surviennent. Il y a un dépôt d’eau avant la mairie au PK 27, ce n’est pas encore fini, alors qu’il y a des maisons aux alentours qui ont été inondées. Je ne sais pas pourquoi c’est lent, même un an après", poursuit-il.
Aujourd’hui, le tāvana de Hitiaa o te ra appelle sa population à rester vigilante en cas de fortes pluies, "aussi bien celles et ceux qui résident en bord de mer qu’en bord de rivière, ou près d’une montagne. Il ne faut pas attendre qu’il y ait des annonces de dépressions pour aller couper les arbres en montagne parce que c’est à cause de cela que les rivières débordent. Il faut faire attention à vos enfants, ne construisez pas vos maisons en bord de rivière", conclut-il.
(*) Prénom d’emprunt
Une vingtaine de familles s’est aussi retrouvée en difficulté l’année dernière. Leurs maisons ont, pour la plupart, été inondées. Deux secteurs avaient bien été touchés, il s’agit des quartiers de Ahonu et de Orofara.
"Nous avons eu un peu plus de 8 ou 9 millions de francs d’aides en matériel pour les vingt familles qui ont été touchées. Il n’y a eu qu’une seule construction de fare OPH, c’était une demande qui a déjà été établie par le passé, et elle a reçu son aide, il y a six mois où elle a eu les clés de sa maison", explique Damas Teuira, maire de Mahina.
"Après, il y a eu aussi les aides de l’État, au travers du fonds de secours d’urgence du ministère de l’outre-mer. Il me semble que l’enveloppe était à plus de 10 millions de francs, et là c’était plus du matériel qui était destiné au centre d’incendie et de secours, comme des citernes d’eau ou encore le matériel d’urgence qui a été pris en charge par ce fonds. L’État a participé aussi à la construction d’une passerelle à Ahonu", poursuit-il.
Les travaux d’enrochements de la rivière sont toujours en cours.
Antoinette avait tout perdu lors de ces intempéries de décembre 2015. En février dernier, elle a reçu un bon d’aide en matériaux de plus d’un million de francs. "Nous avions eu tout ce qu’il faut pour une maison. Bon, il y a encore des petits travaux à faire, mais par manque d’argent, nous les avons arrêtés", explique-t-elle.
Avec la rivière à proximité de sa maison, Antoinette et sa famille restent vigilants. "On a commencé à enrocher, mais ils ne sont pas encore devant chez nous. Et, j’espère qu’il n’y aura plus de problème avec la rivière. Si celle-ci venait encore à déborder, nous allons mettre nos affaires en hauteur, c’est tout ce que nous pourrons faire pour le moment".
Du côté du village d’Orofara, "c’est le Pays qui prendra en charge la reconstruction du pont. Il me semble que le Pays a d’autres projets de reconstruction sur les hauteurs d’Orofara, pour permettre à ces gens de transiter en attendant de renouveler tout le village d’Orofara. Je n’ai pas de date précise sur la réalisation de ce projet, mais c’est vrai que la reconstruction du pont devient une urgence aujourd’hui", déclare le maire de Mahina.
Pour ces opérations de relogement, le Pays a mis en place deux dispositifs :
– le premier concerne les aides en matériaux, où 154 millions de francs ont été investis pour aider 179 familles à retaper leurs maisons. Aujourd’hui 173 foyers ont reçu leurs bons, il en reste encore six, qui sont en cours de finalisation. D’après le ministère du logement, ces bons en matériaux leur seront attribués avant la fin de l’année.
– le second dispositif est la construction de Fare OPH. Pour cette partie, 41 familles sont concernées ce qui représente un investissement de 393 millions de francs pour le Pays. Quinze foyers ont eu leurs nouvelles maisons, six sont en cours de construction, quatre en attente de l’obtention d’un permis de construire, et enfin, les trois derniers dossiers sont en cours d’instruction technique suite à quelques difficultés liées au foncier, parmi lesquelles, on retrouve l’éternel problème d’indivision…